Depuis longtemps, nous avons été contraints de laisser, bon gré mal gré, la terre ferme des certitudes, des règles universelles et des valeurs constituées : depuis longtemps, nous naviguons sur un océan indécis, qui peut se révéler incertain, nous apercevons des terres nouvelles, nous nous en servons pour les défricher au mieux, comme nous sommes en mesure de le faire, et de nouveau, nous les abandonnons pour aller droit vers l'inconnu, où nous découvrirons de nouvelles terres que d'autres défricheront. Cette navigation n’est pas facile et les surprises que cet inconnu nous réserve ne sont pas toujours heureuses. Je soutiens toutefois que cette situation est la meilleure qui soit pour un artiste d’aujourd’hui, que jamais n'ont été aussi riches les tendances à se renouveler et à se mettre en crise, les stimulations de recherche et d’invention ; et à quoi d'autre, sinon à ce risque continu de l’imagination, à cet incessant défi à l’imagination, dans l’immensité du possible et du « sondable », devrait aspirer le compositeur de notre temps ?
• GIACOMO MANZONI. Né en 1932, pianiste, chef de chœur, critique de "L'Unità", collaborateur de nombreuses revues, traducteur italien d’écrits de Theodor W. Adorno et d’Arnold Schoenberg, Giacomo Manzoni a enseigné la composition au Conservatoire de Milan. Auteur d’une centaine d’œuvres, dont l'action scénique "Per Massimiliano Robespierre" et un "Docteur Faustus" d'après Thomas Mann, il se montre particulièrement attentif à l'évolution historique de la musique, de Monteverdi à son ami Luigi Nono. Son univers, tout aussi culturel, politique, littéraire et philosophique, est traversé de lectures admirables de Samuel Beckett, Friedrich Hölderlin ou Antonin Artaud. Parmi ses principaux interprètes, citons Claudio Abbado, Bruno Maderna, Maurizio Pollini, Giuseppe Sinopoli, Virginio Puecher, Josef Svoboda et Robert Wilson.