Le diable s'ennuie en enfer. Une âme en peine rescapée du cloaque infernal vient lui tenir compagnie. À partir de là s'enchaîne une série de dialogues fantaisistes, qui, de course poursuite en méditation pseudo-philosophique, finissent par ramener le diable dans le giron de Dieu et de sa grand-mère. Dans cette œuvre inclassable parue en 1922, Lou Andreas-Salomé s'amuse avec malice et ironie. Mêlant théâtre et cinéma, poésie et théologie, elle donne libre cours à son imagination et surtout laisse s'exprimer certaines de ses idées les plus secrètes sur Dieu et le diable, ce qui les sépare et les unit, sur la création et la réincarnation, et sur le retour attendu du Fils. Le contenu et le ton sont si subtilement elliptiques que personne encore ne s'était vraiment intéressé à ce texte, que la traduction de Pascale Hummel rend aujourd'hui à sa vraie signification. Femme de lettres cosmopolite, Lou Andreas-Salomé (1861-1937) laisse une œuvre inclassable et singulière. Littérature et philosophie, psychanalyse et théologie, histoires pour enfants et poèmes dramatiques, correspondance et journaux : autant de formes multiples et souvent atypiques d’un art qui dans les premières décennies du XXe siècle compose une modernité au féminin. Celle que la postérité appelle familièrement Lou gagne avant tout à être connue par son œuvre, qui appelle encore un patient et solide travail d’analyse. Pascale Hummel, déjà auteur d’une quinzaine de livres, associe ici pour la première fois son nom à celui de Lou Andreas-Salomé. L’intérêt qu’elle lui porte dépasse le cadre de l’érudition, comme le montre l’essai qui accompagne sa traduction.