Imaginons un instant une République dans laquelle les serviteurs de l’État seraient des esclaves. Archivistes, policiers ou vérificateurs de la monnaie : tous esclaves, quoique jouissant d’une condition privilégiée, ils furent les premiers fonctionnaires des cités grecques. En confiant à des esclaves de telles fonctions, qui requéraient une expertise dont les citoyens étaient bien souvent dépourvus, la cité entendait placer hors du champ politique un certain nombre de savoirs spécialisés, dont la maîtrise ne devait légitimer la détention d’aucun pouvoir. Surtout, la démocratie directe impliquait que l’ensemble des prérogatives politiques soit entre les mains des citoyens. Le recours aux esclaves assurait ainsi que nul appareil administratif ne faisait obstacle à la volonté du peuple. Grand Prix des Rendez-vous de l’histoire de Blois, 2015.
Paulin Ismard. Professeur d’histoire grecque à l’université d’Aix-Marseille. Il a notamment publié L’Événement Socrate (Flammarion, 2013), La cité et ses esclaves (Seuil, 2019), Athènes 403 (avec V. Azoulay, Flammarion, 2020). Il a dirigé Les Mondes de l’esclavage (Seuil, 2021).