► Allard, J. - Feuillâtre, E. En grec et en français, Cours de langue grecque J. Allard et E. Feuillâtre, Librairie Hachette, 1947, 13 x 20, 144 pages, broché. Neuf. Réimpression de l'édition Hachette de 1947 en petites séries.
Dans Politiques, livre III, chapitre 11, Aristote présente un argument en faveur d’un mode de décision fondé sur le cumul des opinions qui s’expriment au sein d’une réunion délibérante, que ce soit dans le contexte d’une assemblée proprement politique, d’une cour de justice ou d’un jury artistique. Grâce à cette additivité, à ce cumul ou à cette sommation des points de vue – c’est ce qu’on a appelé la Summierungstheorie –, des gens qui se trouvent rassemblés seraient à même de parvenir à des jugements non seulement en soi avisés, mais souvent supérieurs à ceux qui seraient pris isolément par les individus soi-disant meilleurs ou par les savants, par l’élite si l’on préfère. Et voilà le platonisme potentiellement renversé ou tout au moins mis à mal. Si tant est qu’Aristote adhère à ce procédé cumulatif et qu’il croit au pouvoir de l’intelligence collective qui en résulte – et pourquoi en douter? –, on peut logiquement s’attendre à ce que le type de régime politique qu’il favorise soit lui-même en correspondance avec une telle intelligence collective, un régime de type par conséquent démocratique. Or c’est bien quelque chose comme cela qui se produit au sein du traité des Politiques, d’où le portrait inusité qui s’en dégage d’un Aristote « révolutionnaire », mais, comme on le verra, « tranquille ».
Jean-Marc Narbonne, professeur de philosophie antique à l’Université Laval (Québec), est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Antiquité critique et modernité émergente (ACME, 2015-2022).