Traduit de l'allemand par Pierre Boudot. Titre original : Philosophische Autobiographie.
Il ne pouvait, en effet, s'agir que d'une autobiographie philosophique. Car rares sont les hommes en notre siècle dont la vie, comme celle de Jaspers, ait été exclusivement consacrée à la méditation et à l'enseignement philosophiques. Au surplus, la carrière de Karl Jaspers ne comporte à peu près aucun événement, si ce n'est la maladie qui l'obligea à renoncer à la psychiatrie en clinique, son mariage avec Gertrude Mayer, avec qui il eut la joie de vivre une existence de pleine communication spirituelle et philosophique, la persécution nazie enfin qui l'atteignit très durement. Dès son enfance, Jaspers se posa le problème philosophique qui est celui du sens de l'existence. S'il s'orienta d'abord vers la médecine et la psychiatrie, ce fut encore pour trouver une justification de l'existence. Toute sa recherche philosophique, toutes ses investigations techniques, de la Psychologie à la Philosophie et à la Logique philosophique sont portées par une intention unique : trouver la signification de toutes les formes d'activité humaine et de l'homme lui-même. Par-delà l'analyse des situations, et particulièrement des situations limites où l'homme courageux accède à l'être, la philosophie doit trouver et dire le message dont l'homme a besoin. C'est par cette réflexion qu'on accède à la découverte de l'englobant, en qui l'objet et le sujet qui le vise trouvent leur unité et leur sens. La philosophie dans sa quête non vers le savoir, mais vers le sens du savoir, est portée certes par une tradition philosophique, dont l'Université est la garante, si elle sait conserver sa liberté et sa supra-nationalité, mais le philosophe n'en reste pas moins le penseur solitaire, toujours à l'affût de communication. Celle-ci est le signe de l'authenticité de la vérité. On ne peut qu'admirer au travers de ce livre la volonté sans défaillance avec laquelle Jaspers a poursuivi une tâche, dont il sait qu'elle ne s'achève pas et qui est d'autant plus passionnante qu'elle n'a pas d'objet prédéterminé, mais se saisit, sans dilettantisme, de tous les objets possibles.
Mehl Roger. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 45e année n°3-4,1965. pp. 414-415.
