Un autre Moyen Age, c'est d'abord celui qui, sans anachronisme, nous restitue quelques clés de nos origines : aux réalités dont s'est enrichie notre mythologie - la faim, la forêt, l'errance, la pauvreté, la mendicité, la lèpre, la peste, le péché, la domination des puissants et des riches sur les faibles et les pauvres -, il allie ces créations dont nous vivons toujours : la cité, la nation, l'Etat, l'université, le moulin, la machine, l'heure et l'horloge, le livre, la fourchette, le linge, la personne, la conscience et finalement la révolution. Un autre Moyen Age, c'est ensuite et surtout le champ privilégié des expériences de l'histoire nouvelle : histoire du quotidien, du temps long, histoire des profondeurs et de l'imaginaire. Un Moyen Age où les hommes vivent dans les temps divers qui rythment leur existence : temps de l'Eglise, temps du marchand, temps du travail. Un Moyen Age où les hommes travaillent dans des conditions économiques et technologiques qui leur apprennent à maîtriser lentement la nature tout en approfondissant le fossé entre travail manuel et intellectuel. Un Moyen Age où la culture évolue entre les raffinements scolastiques des universités, pépinières d'une nouvelle élite, et les rapports complexes entre la culture savante de la caste ecclésiastique et la culture populaire contre laquelle les clercs mènent une lutte multiforme. Ce trajet à travers ces trois domaines essentiels de l'histoire, le temps, le travail, la culture, conduit Jacques Le Goff, un des maîtres de l'histoire nouvelle, au seuil d'une enquête où s'allient l'histoire et l'ethnologie, où le Moyen Age devient le foyer d'une anthropologie historique de l'Occident.