Qui se ferait traiter aujourd'hui de «menteur», de «rouquin», de «glouton», de «malheureux», d'«orgueilleux» ou de «sanglant» rirait sans doute de l'apostrophe, car elle serait, pour l'homme de notre temps, dépourvue de tout contenu critique. Pourtant ces termes constituent des invectives très graves au Moyen Âge. Pour en concevoir la portée négative, il faut comprendre les critères d'exclusion que les mots recouvrent. Plus qu'aucun autre langage, celui de l'injure révèle en effet les normes qui dessinent la frontière entre le Bien et le Mal, le licite et l'interdit. C'est à la découverte des valeurs et des tabous partagés par les sociétés de la fin du Moyen Âge que cet ouvrage convie le lecteur. Une première partie présente la réalité sociale et judiciaire de l'injure, en propose une typologie, analyse son pouvoir criminogène ou son utilisation vindicative, mesure ses rapports à la sociabilité, à la fama, à l'honneur, apprécie la façon dont elle est proférée, reçue, jugée, pénalisée. La seconde partie de l'ouvrage est conçue comme un lexique des paroles insultantes les plus usitées ou les plus insolites. Les 82 notices exposent les sens étymologique des mots puis les normes éthiques et religieuses qui leur confèrent une spécificité injurieuse. En découvrant les termes crus de l'injure médiévale, le lecteur entre ainsi dans la familiarité des sociétés de cette époque et discerne en abyme les valeurs et les mentalités qui en font l'originalité.