Avant-propos de Louis Holtz.
• Ovide importe trop aux études seiziémistes pour que RHR ait à se justifier de donner place à l'étonnant ouvrage de Bernard Blanc, revisitant les Métamorphoses.
• Sous sa couverture très sage, ce livre étonne bientôt par sa composition insolite : d'assez nombreuses et amples traductions d'épisodes ovidiens (en italiques), entrecoupées de commentaires du traducteur (en romains). Le tout impose progressivement à l'esprit, et de manière fascinante, grâce à une architecture beaucoup plus savante qu'on voudrait nous le faire accroire, une image de Bernard Blanc et une image du poète des Métamorphoses.
• De la première, il n'y a pas lieu de parler ici, sauf pour dire que M. Blanc est un professeur, très fin latiniste, mais aussi passionnément désireux d'être présent, et actif, dans les débats idéologiques et esthétiques de notre XXe siècle finissant. Certains s'irriteront donc de la « modernité » des questions qu'il pose à Ovide, et de la subjectivité torrentielle de son discours, mais ce dialogue est infiniment excitant pour l'esprit - et puis, c'est à prendre ou à laisser (à prendre, conseillerions-nous vivement, si l'on veut atteindre l'Ovide ici proposé, et en jouir).
• Les traductions sont admirables : je ne pourrai plus lire ailleurs (sinon en latin) les histoires d'Eurydice, de Pygmalion ou de Phaéton. La verve ovidienne jaillit ici, sensuelle ou grandiose, dans notre français qu'on n'en aurait pas cru capable. Les pirouettes scolastiques que s'autorise M. Blanc pour éviter les termes archéologiques ne rebuteront, j'espère, que les esprits chagrins. Quant aux commentaires,il s se donnent carrière et s'ébrouent dans un espace illimité, qui va de la paraphrase littéraire (souvent émouvante en sa finesse) à la psychanalyse, de la lecture historico-politique à la pure métaphysique. Pour Bernard Blanc, Ovide « est sérieux ». Sa dérision des
Olympiens est celle qu'un esprit libre voue à tous les puissants, à tous les prohibiteurs. Ovide hait Auguste, tyran des Romains (et, ici, l'interprète ne m'a pas convaincu, car je crois que c'est beaucoup plus compliqué mais, sans M. Blanc, je ne me serais jamais posé vraiment la question : merci donc à lui !). Ovide est, selon lui, un philosophe pythagoricien, chantre d'une Nature au sein de laquelle les natures sont interchangeables (« métamorphiques » ?), où puissamment circule le vent de l'amour et du plaisir. Il faut bien quelques violences et quelques imprudences, de la part de l'interprète, pour « re-moraliser » ainsi Ovide dans le sens d'un anarchisme poétique — mais quelle générosité ! Bernard Blanc, pour nous entraîner, n'hésite pas à parler lui-même en poète — et très finement.
• Nos humanistes du XVIe siècle auraient aimé (en secret ?) ces audaces, et aussi la foule des clins d'œil, des allusions aux « autheurs ». Délices des « doctes », que nous partageons à notre tour avec Bernard Blanc, prompt à citer quand il faut son Du Bellay ou son Ronsard (quoi de moins inavouable, cher collègue, que ce goût des classiques, qui survit à toutes les révolutions ?).
In G.-A. Pérouse. Bernard Blanc, Les Métamorphoses d'Ovide. Un vivier de légendes et de Mythes, Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance, 1997, vol. 44, n° 1, pp. 115-116.