Texte traduit avec introduction et notes par Jean-Michel Counet.
• « Les Conjectures » représentent le troisième grand ouvrage de Nicolas de Cues. Le Cusain y montre comment toutes nos connaissances consistent en assertions conjecturales, c'est-à-dire tendent vers la vérité sans jamais saisir véritablement celle-ci en toute précision. Nos sciences constituent des approches de la réalité, qui peuvent être toujours plus précises, sans néanmoins jamais atteindre à une saisie définitive. Nicolas de Cues explique que nos mathématiques, qui constituent la forme la plus sûre de savoir, nous permettent de construire des modèles toujours plus proches de l'essence des choses, et sont l’expression par excellence de la vie de l’esprit. De même que Dieu crée le monde réel dont nous sommes partie intégrante, l’esprit humain s’avère créateur d’un monde conjectural, fait de concepts, de propositions, de discours approchant le monde réel avec un degré toujours perfectible d’exactitude. Cet ouvrage, très ambitieux sur le plan philosophique, est un jalon très important dans l’itinéraire de Nicolas de Cues. Il formule là pour la première fois la philosophie de l’esprit, qu’il développera plus avant dans des ouvrages ultérieurs tels que « Le Profane sur l’esprit », le « Sur la sagesse », « La Chasse de la sagesse », etc. L’ouvrage influencera d’une façon profonde Jean Pic de la Mirandole (1463-1494) et à travers lui les cercles humanistes de Florence. On trouve des traces plus ou moins importantes des doctrines cusaines chez Montaigne (1533-1592), Bruno (1548-1600), Descartes (1596-1650) ou Leibniz (1646-1716). « Les Conjectures » constituent une transition intellectuelle entre le Moyen Âge et la Renaissance de première importance.