Dans le Protreptique, Clément d'Alexandrie dépeint le Christ comme un nouvel Orphée et transforme par là le chantre thrace en préfiguration de son Seigneur. Sa démarche est unique : de tous les auteurs chrétiens du début de notre ère, il est le seul à proposer un tel rapprochement, et ce afin d'inviter les païens à embrasser la religion nouvelle. Ses pairs ne manquent pourtant pas de citer Orphée et les poèmes qui lui sont attribués. Quels buts poursuivent-ils ? C'est à cette question que le deuxième tome d'Orphée et les Chrétiens tente de répondre. Il examine pour cela systématiquement comment les auteurs chrétiens des cinq premiers siècles traitent du personnage et de son œuvre. Se dégagent ainsi trois attitudes polémiques non exclusives: pour les uns, il s'agit de s'attaquer directement au poète et à ses vers en vue de dénoncer le paganisme et ses émules hétérodoxes. Pour d'autres, au contraire, de les mettre en valeur, mais toujours afin de discréditer les traditions grecques. Pour un dernier groupe, enfin, de les présenter comme de véritables modèles qui chantent en accord avec le message biblique autant qu'avec la pensée « droite ».
L'ouvrage montre la manière dont les textes chrétiens associent ces trois attitudes et interroge les raisons du choix d'Orphée, plutôt que d'un autre poète théologien, à la fois comme cible privilégiée des invectives contre le paganisme et comme modèle idéal de conversion.