C'est du neuf. La table des matières déjà révèle des soucis autres que descriptifs :
Introduction.
• 1 : « Le théâtre profane avant la guerre de Cent Ans ».
• 2 : « Les conditions d'un théâtre bourgeois et populaire ».
• 3 : « Les premières manifestations d'un théâtre populaire spontané ».
• 4 : « Vers un théâtre organisé ».
• 5 : « La farce médiévale : évolution et structures ».
• 6 : « Les structures de la sottie ».
• 7 : « Le message du théâtre populaire et bourgeois ».
Conclusion : une image de la société en mouvement.
Tout d'abord, remarquons que tout le théâtre profane français médiéval ne sera pas étudié : on ne parlera pas de la moralité qui est profane, mais non comique et qui nécessiterait une étude préalable, non seulement de la sottie, mais aussi du mystère. En vedette, le théâtre arrageois du XIIIe s. Il sera pourtant sans influence sur les farces du XVe s. Toutefois, loin de le négliger, M. Aubailly soumet le Jeu de saint Nicolas à une méthode excellente préconisée par Albert Henry : la recherche des unités scéniques correspondant aux mansions. En particulier, notons cette explication de la phase épique du Jeu : ce serait un hommage aux chrétiens morts en Espagne, au Portugal ou en Palestine lors de la précédente croisade. Autre sujet religieux traité selon le mode profane : Courtois d'Arras, très bien commenté. Il en est de même des pièces d'Adam de la Halle, surtout de Robin et Marion qui, lui aussi, consiste en une adaptation à la scène d'une œuvre littéraire préexistante. La Feuillée « est la première œuvre vraiment personnelle et qui puise essentiellement sa matière dans l'actualité ». Pour une plus ample exégèse, M. Aubailly s'est effacé trop modestement devant Jean Dufournet. Notre auteur réussit à prouver qu'au XIIIe s. est né le monologue dramatique, genre profane qui s'épanouira au XVe. C'est l'essentiel de sa thèse : farces et sotties ont une ascendance deux fois séculaire, procèdent d'une évolution par paliers à partir du monologue où le jongleur joue son propre rôle ; ce dernier essaie ensuite de s'identifier à un tiers. Je crois utile de reproduire les termes bien pesés de cette conclusion : « C'est ainsi qu'apparaissent, d'une part, une littérature dramatique très localisée, conditionnée sociologiquement par le mécénat des grands bourgeois et qui, destinée à une élite, prend ses thèmes dans le fonds culturel de l'époque qu'elle essaie de rénover par le biais d'une transposition à caractère réaliste, et, d'autre part, une littérature dramatique plus populaire qui cherche péniblement à se dégager du genre narratif en empruntant ses sujets à la vie même, mais qui, outre le fait qu'elle n'a laissé que des pièces à une voix, se borne à traduire une psychologie du comportement, restant ainsi dans les limites du mime ». Plus d'une fois, M. Aubailly se préoccupe du public : il nous parle ici d'une élite, ailleurs du peuple. Je serais moins affirmatif, convaincu qu'il est difficile de savoir par le texte à quel public le drame médiéval est destiné : des scènes de mystères sont d'un pédantisme insupportable et pourtant le peuple ne les boudait pas !
In, Jodogne Omer. Cahiers de civilisation médiévale. 21e année (n°84), Octobre-décembre 1978. pp. 395-397.