Aphorismes, dialogues, textes courts, lettres réelles ou imaginaires, Le Jardin d’Épicure est un résumé composite, conçu par Anatole France lui-même, de sa vision du monde, empreinte de sagesse et surtout d’une ironie d’une finesse inégalée. Humaniste mais désabusé, sympathisant socialiste mais parfois sombre et pessimiste, ardent dreyfusard — seul académicien à l’être, il entraînera Proust, qui le fréquenta souvent, dans la cause — ce faux dilettante, érudit et adorateur des livres, se révèle aussi dans cet ouvrage un philosophe clair, limpide presque, davantage héritier de Montaigne, Voltaire et Vauvenargues que de Victor Cousin ou Auguste Comte, davantage préoccupé des leçons de la vie que de celles de l’école. Son style alerte, son ironie brillante et sa hauteur de vue n’ont pas pris une ride. Bref, il est temps de redécouvrir Anatole France dont la pensée et l’écriture, si elles ne sont pas celles d’un « moderne », sont sans doute plus actuelles que beaucoup d’autres pour un temps mieux considérés.