Peut-on écrire sur Freud sans être ni analyste ni analysé ? Non, s'il s'agit d'un essai sur la psychanalyse comme pratique vivante ; oui, s'il s'agit d'un essai sur l'œuvre de Freud comme document écrit, auquel la mort de son auteur a mis un point final : une interprétation d'ensemble de notre culture, qui a changé la compréhension que les hommes ont d'eux-mêmes et de leur vie.
Or, cette interprétation, précisément, est tombée dans le domaine public, tombée jusqu'au bavardage. Il appartient dès lors au philosophe de la justifier, c'est-à-dire d'en déterminer le sens, la légitimité et les limites.
Comme le montre Paul Ricœur, seule une méditation sur le langage peut fournir une structure d'accueil à l'exégèse freudienne de nos rêves, de nos mythes et de nos symboles. Et cette exégèse, en s'articulant elle-même à une réflexion «archéologique» sur le sujet, fait en retour éclater la philosophie du sujet, dans ses expressions naïves et prématurées.
Le présent ouvrage ne se borne donc pas aux débats d'un philosophe avec Freud ; il libère l'horizon d'une recherche : la lecture de Freud devient l'instrument d'une ascèse du «je», délogé des illusions de la conscience immédiate.