Ce livre, écrit dans une langue admirable, taillé dans l'étoffe des chefs d'œuvre, animé par l'exigence de vérité, est contradicteur des certitudes idéologiques, et nous offre la vision la plus radicalement démystifiante d'un Voltaire - symbole de la fin de l'obscurantisme de l'Ancien régime - spécialiste des Textes Anciens.
La Révolution Française, l'Émancipation, l'Esprit des Lumières, ces doctrines portées par Voltaire furent résumées en un cri de guerre par Condorcet : « Raison, Tolérance, Humanité ».
Trois mots, trois mensonges ? Et si l'antisémitisme moderne n'était pas une réaction à la Révolution mais en constituait une partie intégrante ? Et si, oui, la judéophobie n'était pas un phénomène extrahistorique, sorte de manifestation diabolique, ce qui reviendrait à absoudre les responsables, mais devait plus à Voltaire qu'à la théologie chrétienne ?
Il ne s'agit évidemment pas de créer un lien de causalité imbécile entre 1789 et Auschwitz ni rendre Voltaire responsable des sombres temps où les gens qu'on aimait s'éparpillaient en cendres dans le vent polonais.
Il s'agit, à l'approximation frisant la caricature, du savoir de Voltaire en la matière juive, de répliquer par le biais d'une des plus grandes plumes, intelligence du coeur, érudition de l'esprit, Antoine Guénée, prêtre français, précepteur des neveux de Louis XVI.
Dans un style brillant et drôle, une exactitude des faits bibliques, un raisonnement logique, dénué de toute mystique, cet écrivain magnifique nous récompense de la perte de notre innocence par l'admirable démonstration de l'ignorance de M. de Voltaire, à propos d'un peuple dont il ne connaissait ni la langue ni la culture - et qui lui a survécu.
Un chef d'oeuvre, donc - « patrie non mortelle des hommes mortels » - qui nous permet, par le truchement d'une langue flamboyante, élégante et vivace, d'échapper à l'ombre tutélaire du penseur de l'Émancipation, pour entrer dans une autre famille : celle des âmes éprises de vérité.
Car si ce livre indispensable nous propose, en effet, le sacrifice de mythes fondateurs, ce n'est certainement pas pour nous appeler à cesser l'hymne à un grand mort mais plus essentiellement pour affirmer, rien de moins, à travers la voix la plus juste et la plus forte, notre liberté de mesurer les flagrantes insuffisances du fer de lance de la Révolution Française.