La Comoedia que nous avons vu se déchaîner, forgée et infléchie tout au long du parcours infernal, voici qu'elle se déploie et trouve sa règle, sa " religion " sur les pentes du purgatoire : monde intermédiaire, simple " mont qui guérit ceux qui le gravissent ", pont et passage lui-même destiné à passer. Le détachement des passions et de leur illusion mortelle vide peu à peu le poème de substance narrative, au profit d'une épiphanie supérieure de la parole où le poète est en personne emporté, " embarqué " dans un voyage qui apprivoise pour nous aussi une communion possible - une transitivité - entre cet au-delà et notre ici. L'illumination, l'art total (divin) ne se séparent jamais du but pratique qu'incarne cette montée vers le bien. Jusqu'à ce que, tous âges, sexes et conditions confondus, en nous puisse " descendre clair le fleuve de mémoire ". La langue, bien sûr, construit sa propre ascension, son purgatoire de mots qu'il s'agit de transduire aujourd'hui; on a tenté ce pari, non dans le tour de force mais dans le parcours et la durée. C'est peut-être, accompagnant la fable de " notre vie " (Enf., 1, 1), un apprentissage de l'universel. Pour retrouver la simplicité du texte original, La Divine Comédie se nomme désormais "La Comédie". La nouvelle traduction du chef-d'oeuvre de l'artiste florentin entend découvrir la difficile ligne de crête entre l'interprétation érudite et la langue populaire. Le travail de Jean-Charles Vegliante intéressera sans doute les familiers de l'oeuvre sans que les lecteurs néophytes ne s'y sentent perdus.